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Faut-il craquer pour le menu mystère du Crillon? - Challenges

la Concorde, sans une intense émotion. On songe à la pauvre Marie-Antoinette, reine de France, qui fréquenta beaucoup ces lieux- un salon porte son nom- mais aussi à tous les illustres résidents de Churchill à Madonna, en passant par l'équipe de France de football qui aime bien célébrer ses grands titres depuis les balcons du palace. Tous ont construit sa légende. L'établissement a été en travaux de 2013 à 2017. Ses dirigeants et propriétaires (groupe Rosewood Hotels) ont profité de cette rénovation et son entrée dans le club des palaces pour repenser leur façon d'accueillir et de choyer la clientèle de luxe.

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Parmi les plus récentes innovations, le restaurant gastronomique de l'hôtel, L'Ecrin (une étoile au Michelin) a décidé de surprendre les gastronomes en bousculant les codes dans un restaurant de luxe. Pas de menu! Mais un accord vin-mets. Différent de la formule accord mets-vins, pratiquées dans de nombreuses maisons et qui consiste à proposer un verre de vin différent avec chaque plat. Ici ce seront bien les plats qui seront définis et réalisés en fonction du vin que l'on va nous aider à choisir. 

A la place du menu, on a juste une liste de produits de saison susceptibles d'être cuisinés par le chef. En ce mois de novembre, il nous propose un garde-manger qui va de l'huître d'Erquy au cerf en passant par la figue, le homard et le pois chiche...  Bien entendu, on est piqué au vif et l'échange avec Alex Merle, le directeur adjoint du restaurant, d'un coup devient ludique, comme le reste du repas. D'ailleurs on conseillera à tous les jeunes qui aspirent à travailler dans les métiers de salle et de restauration en général, de réserver une table à l'Ecrin, après avoir cassé leur tirelire bien sûr. La manière chaleureuse, simple et souriante avec laquelle on est accueilli ici, prouve que l'on a réfléchi longtemps à l'art de recevoir, dans une période si peu encline à ouvrir les portes.

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La première étape, qui n'est pas une formalité puisqu'elle détermine tout ce qui suit, consiste à choisir le vin. Pas de panique le chef sommelier Xavier Thuizat, entre en scène. Humour, écoute et conseils d'ami sont disponibles sans restriction. Il a sous le bras un menu des vins de 200 pages qu'il peut vous éviter de consulter, car il peut aisément faire le choix pour vous. Ouf! Une autre étape stressante franchie avec brio. "Rouge ou blanc? Rouge charpenté ou subtil? "  En deux questions il nous oriente sur un très sage, bien que complexe, Côtes du Roussillon "Myrs" 2014 de Danjou Banessy.

A ce stade, il est important de signaler que l'addition sera de 175 à 735 euros par personne, selon le choix de la bouteille et le nombre de plats (de trois à huit).

On patiente en grignotant quelques canapés très modernes car 100% végétaux: chou-fleur parfumé au piment d'Espelette, céleri au praliné de noisette... champignon de Paris, chapelure de brioche. Déjà ces amuse-gueules témoignent d'un gros travail de préparation et de l'envie de surprendre, c'est bon signe. Une coupe de champagne blanc de blanc de Pierre Peters (l'associé de Brad Pitt et la famille Perrin) permet d'ouvrir les papilles.

Arrivent ensuite les créations du chef Boris Campanella, qui ne s'est inspiré que du vin choisi, de ce que la nature lui permet de proposer en cette saison et des éventuelles interdictions du client (ni betterave, ni coriandre en l'occurrence): le homard cuit en carapace préparé comme un civet, et son excellente bisque de homard travaillée à la crème de fruits rouges flambés au cognac. Le cerf rôti sur une composition de trompettes de la mort, poire fondante, ail noir et choux de Bruxelles au zeste d'orange. Les intitulés à rallonge témoignent juste de la précision que l'on met dans chacune de ces préparations. Mais aussi sophistiquée soit-elle, et elle l'est hautement, il s'agit d'une cuisine honnête qui ne cherche pas à épater mais à régaler.

On délaisse le Myrs pour un verre de porto blanc Dalva, 20 ans -bouteille ouverte à la pince métallique chauffée à blanc, en douceur- en accompagnement du fromage et un étonnant Tokay 2007 de chez Disznoko, vin devenu sirop, avec le dessert: la figue accompagnée de cassis, sorbet de goyave surmontée d'une émulsion à la feuille de figuier et arlettes caramélisées... Vous n'avez plus faim, pas grave. Fermez les yeux, détendez-vous, le nez au dessus de cette remarquable assiette. Vous croirez être en train de faire une sieste dans l'herbe en août sous un figuier. Une définition possible du bonheur, s'il existe. 

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