Jamais un loser n’aurait imaginé gagner autant de prix. Le film Adieu les cons, qui raconte les malheurs d’un obscur employé administratif capable de rater jusqu’à son propre suicide, a triomphé, vendredi 12 mars à l’Olympia, lors de la 46e cérémonie des Césars en décrochant sept récompenses, au cours d’une soirée marquée par des cris de détresse du secteur culturel en pleine épidémie de Covid-19, et la volonté de célébrer la diversité.
Albert Dupontel, 57 ans, le réalisateur et acteur principal de cette comédie grinçante, – qui a vu son exploitation en salle brisée par le deuxième confinement après avoir rassemblé 700 000 spectateurs en une semaine –, a remporté pour la première fois de sa carrière le César du meilleur film.
Lui qui ne se rend plus à la cérémonie des Césars – « Je suis perplexe devant ce jugement intellectuel », a-t-il déclaré en 2017 sur le plateau de l’émission Quotidien – a également décroché le César de meilleur réalisateur, récompense qu’il avait déjà obtenue en 2018 pour Au revoir là-haut.
« Les règles du jeu changent »
Le grand déçu de la soirée sera probablement Emmanuel Mouret, qui partait favori avec treize nominations pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, tout comme François Ozon (Eté 85), reparti une nouvelle fois les mains vides.
Un an après la démission collective de la précédente direction des Césars sur fond d’affaire Polanski, cette 46e cérémonie animée par l’actrice Marina Foïs était l’occasion de montrer que l’Académie a su opérer sa mue.
Roschdy Zem, président cette année d’une cérémonie très attendue sur les questions de diversité, a ouvert les festivités en soulignant les nouvelles préoccupations. « Les règles du jeu changent, non pas pour que le jeu s’arrête, mais pour jouer à égalité cette fois », a-t-il déclaré.
Les premières récompenses ont d’ailleurs d’emblée marqué un changement d’ère avec le couronnement de deux acteurs noirs, Jean-Pascal Zadi (Tout simplement noir) et Fathia Youssouf (Mignonnes), sacrés meilleurs espoirs.
La fermeture des salles au cœur des préoccupations
Outre ces questions, la grande préoccupation de la soirée a évidemment été la crise sanitaire, et la scène a servi à plusieurs reprises de tribune pour crier le désespoir du monde de la culture. « No culture, no future » sur le ventre, « rends-nous l’art, Jean » sur le dos : la comédienne Corinne Masiero, alias capitaine Marleau sur le petit écran, a marqué les esprits en ôtant un costume de Peau d’Ane sanguinolent, se retrouvant entièrement nue sur la scène pour remettre le prix du meilleur costume. « Maintenant, on est comme ça, tout nus », a-t-elle lâché, tampons hygiéniques usagés aux oreilles, souhaitant soutenir notamment les intermittents du spectacle.
« Mes enfants peuvent aller chez Zara et pas au cinéma… C’est incompréhensible ! On a besoin d’une volonté politique pour que le cinéma continue d’évoluer, vous devez porter cette responsabilité en tant que ministre », a aussi déclaré Stéphane Demoustier en recevant le César de la meilleure adaptation pour La fille au bracelet, à l’intention de la ministre de la culture Roselyne Bachelot.
Celle-ci, présente mais pas dans la salle en raison du protocole sanitaire, avait fait passer à son arrivée « un message d’espoir » : « Nous sommes en train de bâtir avec la filière les conditions de réouverture de salles », avait-elle assuré.
La 46e cérémonie des César a aussi été l’occasion de rendre hommage aux artistes disparus, dont Jean-Pierre Bacri, décédé en janvier. Histoire de retrouver un peu le sens de la fête, la troupe du Splendid s’est vue remettre un César anniversaire.
Voilà le palmarès complet des Césars 2021 :
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César du meilleur film
Adieu les cons, d’Albert Dupontel.
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César de la meilleure réalisation
Albert Dupontel pour Adieu les cons.
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César de la meilleure actrice
Laure Calamy a été récompensée pour Antoinette dans les Cévennes et son personnage de randonneuse débutante, accompagnée d’un âne, qui a enchanté les foules entre les deux confinements. La comédienne est repartie aussitôt après la cérémonie vers le sud de la France où elle tourne L’Origine du mal de Sébastien Marnier.
« Je dois être à 9 heures samedi matin sur le plateau. On a décalé un jour de tournage pour me permettre d’assister à la cérémonie », a-t-elle expliqué. « Après ce César, je souhaite continuer tout simplement ma carrière », a ajouté l’actrice, révélée dans la série Dix pour cent.
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César du meilleur acteur
Sami Bouajila décroche le César du meilleur acteur pour Un fils, de Mehdi Barsaoui, où il joue le rôle d’un père déchiré. « J’ai souvent l’impression que les rôles nous choisissent, plus qu’on les choisit », a-t-il déclaré en recevant son prix, expliquant comment le tournage dans le désert tunisien lui avait rappelé les récits d’enfance de son propre père.
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César du meilleur acteur dans un second rôle
Nicolas Marié remporte le César du meilleur acteur dans un second rôle pour Adieu les cons. « Merci, cher Albert, pour toutes ces années d’amitié, de fidélité professionnelle et d’estime partagée », a déclaré le lauréat dont c’était le sixième film avec Albert Dupontel rencontré au tout début des années 1990 au Théâtre de la Porte Saint-Martin.
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César de la meilleure actrice dans un second rôle
Le prix revient à Emilie Dequenne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait.
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César du meilleur espoir féminin
Le prix a été attribué à Fathia Youssouf, 14 ans, pour son rôle dans Mignonnes de Maïmouna Doucouré. « J’aimerais dire à toutes les personnes de mon âge qui veulent faire du cinéma ou qui ont une passion de suivre leurs rêves, car c’est le plus important », a-t-elle déclaré.
Fathia Youssouf devient ainsi l’une des plus jeunes lauréates des récompenses du cinéma français pour ce rôle d’adolescente intégrant un groupe de danse formé par d’autres filles de son quartier. Fathia Youssouf a répondu par hasard à un casting sur Facebook. Elle a tapé dans l’œil de la réalisatrice franco-sénégalaise Maimouna Doucouré qui l’a choisi parmi 700 jeunes filles auditionnées pour ce personnage inspiré de sa propre enfance.
L’adolescente a fait partie de la liste des vingt meilleures actrices en 2020 selon le New York Times, pour ce personnage tiraillé entre les règles d’une famille sénégalaise polygame et la tyrannie des réseaux sociaux et des selfies.
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César du meilleur espoir masculin
C’est Jean-Pascal Zadi, 40 ans, qui a remporté le César du meilleur espoir masculin pour Tout simplement noir, un film dont il est aussi l’auteur et réalisateur (avec son ami John Wax).
Le film, un faux documentaire, réunit un grand nombre de personnalités noires et métisses, ainsi que des « guests » blancs, comme Mathieu Kassovitz ou Jonathan Cohen. Il suit le parcours d’obstacles de JP, incarné par Jean-Pascal Zadi, un acteur raté, pour organiser la première grosse marche de contestation noire en France.
« Chaque génération doit trouver sa mission, l’accomplir ou la trahir », a-t-il déclaré en recevant son prix, citant l’essayiste Frantz Fanon. « Ma mission, c’est la mission de l’égalité », a-t-il ajouté, soulignant que son film parlait « avant tout d’humanité », et remerciant des acteurs et cinéastes noirs qui ont « ouvert la brèche » avant lui, d’Omar Sy à Ladj Ly.
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César du meilleur film étranger
Le César du meilleur film étranger est attribué à Drunk, de Danois Thomas Vinterberg. Le film raconte comment quatre enseignants dépressifs décident de vivre alcoolisés afin de voir la vie en rose.
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César du meilleur premier film
Choisi pour représenter la France aux Oscars, Deux de Filippo Meneghetti, une histoire d’amour entre deux femmes septuagénaires, a remporté le César du meilleur premier film. « Je suis tout seul et c’est injuste ! », a réagi sur la scène de l’Olympia, à Paris, le jeune réalisateur italien, saluant toute son équipe.
Deux raconte l’histoire de deux retraitées, Nina (Barbara Sukowa) et Madeleine (Martine Chevallier), qui vivent une histoire d’amour aussi secrète que passionnée depuis des décennies. Les deux femmes sont voisines de palier dans une petite ville où tout le monde, y compris la fille de Madeleine (Léa Drucker), ignore leur idylle. Elles semblent heureuses mais vivent à l’abri des regards, ce que Nina a de plus en plus de mal à accepter. Madeleine ne peut se résoudre à tout avouer à sa famille. Elles envisagent de tout quitter pour s’installer à Rome lorsque Madeleine fait un AVC et se retrouve mutique et physiquement diminuée. Impuissante, Nina est reléguée au rang de simple voisine.
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César du court-métrage
Le César du court-métrage a été attribué à Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui.
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César des meilleurs décors et César des lycéens
Le César des meilleurs décors a été attribué à Carlos Conti pour Adieu les cons. Ce film a également reçu le César des lycéens (qui remplace le César du public).
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César du meilleur court-métrage d’animation
Le prix a été remporté par le court-métrage L’Heure de l’ours, un film d’animation au graphisme incandescent d’Agnès Patron.
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César du meilleur film d’animation
Le prix a été attribué à Josep. Dans ce film d’animation, le dessinateur Aurel se sert de sa plume et de ses pinceaux pour marquer les diverses périodes de la vie de Josep Bartoli, un combattant antifranquiste. Un film bref et percutant.
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César du meilleur documentaire
Le César du meilleur documentaire a été remporté par Adolescentes de Sébastien Lifshitz, qui a filmé durant cinq ans le quotidien de deux adolescentes brivistes, que la vie et le déterminisme social vont peu à peu séparer.
« Emma et Anaïs [les deux actrices principales] me sont apparues comme des évidences », expliquait Sébastien Lifshitz au Monde en septembre 2020 :
« Le problème était qu’elles étaient très différentes l’une de l’autre, elles incarnaient chacune, pour moi, une couleur de l’adolescence, et je ne suis parvenu à résoudre ce problème qu’en les prenant toutes deux, d’autant qu’elles étaient amies. »
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César de la meilleure photo
C’est Alexis Kavyrchine qui a remporté ce prix pour Adieu les cons.
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César du meilleur son
Le César du meilleur son est attribué à Yolande Decarsin, Jeanne Delplancq, Fanny Martin et Olivier Goinard pour Adolescentes.
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César des meilleurs costumes
Il est attribué à Madeline Fontaine pour La bonne épouse.
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César du meilleur scénario original
Le pris revient à Adieu les cons d’Albert Dupontel. « Merci beaucoup pour ce César qui (…) couronne l’étape la plus ambitieuse et la plus difficile de la production d’un film, à savoir son écriture. Les auteurs sont les véritables héros de ce métier », est venue déclarer Catherine Bozorgan, la productrice du film.
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César de la meilleure adaptation
Stéphane Demoustier décroche la récompense pour La fille au bracelet, un film qui raconte l’histoire une jeune fille accusée du meurtre de sa meilleure amie.
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César de la meilleure musique originale
Le prix est attribué à Rone pour La nuit venue.
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César du meilleur montage
Le César du meilleur montage est attribué à Tina Baz pour Adolescentes. C’est la quatrième fois qu’un documentaire est récompensé par ce prix après notamment Microcosmos et Le Peuple migrateur. Le montage final d’Adolescentes, d’une durée de deux heures 15, a été construit à partir de 500 heures de rush.
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